
Alors que le mouvement de protestation en Tunisie commençait à s’essouffler, la rentrée scolaire lui a donné un nouveau départ. Depuis lundi, lycéens et étudiants ont rejoint les rangs des manifestants après deux semaines de vacances.
Le 2 janvier, à la veille de la rentrée, un appel a été lancé sur Facebook pour inciter les lycéens à manifester leur solidarité avec le mouvement de protestation qui s’est progressivement étendu à tout le pays depuis le 17 décembre.
Des grèves étudiantes ont eu lieu à Grombalia, petite ville au sud de Tunis, ainsi que dans quelques villes de l’intérieur du pays. Toutefois, le mouvement semble avoir été moins suivi dans les lycées et universités des grandes villes – vraisemblablement en raison des examens de fin de semestre, qui ont commencé lundi.
Par ailleurs, des affrontements entre policiers et manifestants se sont poursuivis dans certaines régions de l’intérieur du pays, notamment à Thala, au centre-ouest. Les internautes tunisiens annoncent sur Facebook et Twitter une journée de mobilisation générale jeudi.
À l’origine de ce mouvement de révolte, la tentative d’immolation publique de Mohamed Bouazizi, un jeune marchand ambulant de Sidi Bouzid. Il est décédé à la suite de ses blessures mardi soir. Ses funérailles ont eu lieu mercredi.
« Les policiers m’ont fait signer des papiers dans lesquels je m’engageais à ne plus participer à aucune forme de contestation »
Rami Tn est un lycéen de 18 ans. Il passe son bac cette année et a participé aux manifestations qui ont eu lieu dans la ville de Jbeniana, dans le gouvernorat de Sfax (sud du pays).
La veille de la rentrée, une vingtaine d’amis et moi-même avons décidé de mobiliser nos camarades du lycée. Les protestations avaient pris de l’ampleur dans tout le pays et nous considérions qu’il était de notre devoir aussi de nous impliquer, en dénonçant le chômage des jeunes diplômés et le manque d’équité [entre les régions] des politiques de développement. Quand nous sommes arrivés lundi matin, la police était déjà là. Elle entourait l’établissement pour prévenir tout débordement.
Nous nous sommes réunis lundi dans la cour du lycée et avons proclamé une journée de grève. Nous clamions des slogans tels que « L’élève d’aujourd’hui est l’employé de demain » ou encore « Élèves en colère : touche pas à mon futur ! » Nous avons apostrophé les autres élèves et leur avons expliqué pourquoi il était si important qu’ils se mobilisent et qu’ils n’aillent pas en classe. Évidemment, ils ne découvraient pas la situation. Ils voient bien ce qui se passe dans la rue depuis deux semaines.
« La brigade anti-émeute était là. Ils espéraient que leur présence nous effraie »
Des surveillants ont tenté de nous obliger à rentrer en classe mais ils n’ont pas réussi. Cette grève s’est poursuivie jusqu’à midi. On est alors rentrés chez nous avant de revenir pour un sit-in de 13 heures 30 à 15 heures 30. À notre arrivée, nous avons été surpris de constater que le nombre de policiers avait sensiblement augmenté. Même la brigade anti-émeute était là ! Ils n’ont pas essayé de nous empêcher de rentrer dans le lycée mais ils espéraient que leur présence nous effraie. Il n’en fut rien.
Plus tard, vers 18 heures, alors que nous étions tous rentrés, la police avait encerclé le quartier où j’habitais. J’étais dehors quand une voiture de la police s’est arrêtée à mon hauteur. Un policier est descendu et m’a obligé à monter à bord. Des amis avaient vu la scène et sont partis chez moi, prévenir mes parents. Les policiers m’ont gardé au commissariat durant trois heures et demie. Ils m’ont fait signer des papiers dans lesquels je m’engageais à ne plus participer à aucune forme de contestation et m’ont menacé de me faire traduire en justice la prochaine fois si je m’entêtais à poursuivre dans la même voie.
Depuis lundi, les cours n’ont pas tout à fait repris normalement. Aujourd’hui, je suis allé en classe mais on est rentrés plus tôt. En rentrant chez eux, plusieurs élèves ont été arrêtés par la police. »
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Vidéo d’une manifestation dans un lycée de Ksar Hlal (centre-est du pays).
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Vidéo d’une manifestation dans un lycée de Gabès (sud est).
Cet article a été rédigé en collaboration avec Sarra Grira, journaliste à France 24.